Dans un contexte de dépendance européenne des ressources de phosphore minéral au niveau mondial, il semble opportun d’étudier les dynamiques territoriales locales du phosphore organique, assimilées à des « gisements locaux ». En effet, des gisements autres que minéraux existent mais ils sont soumis à des logiques de flux entre acteurs agricoles ou d’autres secteurs d’activité qui coexistent à différentes échelles : importations régionales d’amendements organiques, recyclages de sous-produits intra-région et échanges locaux entre agriculteurs et éleveurs. Des études sur les flux de phosphore existent à l’échelle de l’exploitation ou de territoires administratifs ; elles sont en général appliquées sur une seule de ces deux échelles et de ce fait peuvent difficilement mettre en évidence les logiques des flux régionaux ou locaux entre acteurs des territoires. La présente étude s’applique à deux entités de fonctionnement agricole, que sont l’exploitation et le bassin d’approvisionnement. En particulier, le bassin d’approvisionnement semble être un concept pertinent pour étudier les logiques de ces flux puisqu’il mobilise au sein d’une filière des acteurs issus de la production, de la collecte et de la transformation agricoles. Nous cherchons à comprendre et quantifier les flux de phosphore à l’échelle d’un territoire en mobilisant ces deux échelles afin de tester leur pertinence pour proposer des voies d’amélioration de la durabilité de la gestion territoriale du phosphore. Cette étude à caractère exploratoire vise à vérifier sa faisabilité et identifier les obstacles méthodologiques. Elle a été réalisée dans un territoire du nord du département de l’Aisne, incluant les cœurs des bassins de collecte d’une coopérative et d’une sucrerie et correspondant à deux petites régions naturelles différenciées par leurs systèmes de production : grandes cultures à dominante betteravière d’une part, polyculture et polyculture-élevage d’autre part. Dans les sols de ces deux petites régions, la classe de fertilité élevée en P (selon Regifert) est prédominante mais avec une dynamique de diminution des teneurs en P extractible dans les dix dernières années. Dans un premier temps, les différents flux internes et externes au territoire ont été identifiés par enquête et quantifiés, soit via des bases de données gérées par la coopérative et la sucrerie soit par estimation quand les données n’étaient pas accessibles ou disponibles. La quantification de ces flux a permis d’approcher un bilan du phosphore à l’échelle du territoire. Des bilans globaux annuels du phosphore à l’échelle de l’exploitation ont été calculés après enquête sur un échantillon de 26 exploitations représentatives de la diversité des types présents sur le territoire et adhérentes de la coopérative. Sur ce même échantillon, les déterminants des choix de gestion du phosphore par les agriculteurs ont été identifiés. La quantification des flux et les bilans ont porté sur la campagne 2014-2015. La majorité (15/26) des bilans à l’exploitation sont déficitaires, de – 53 kg/ha à -10 kg.ha-1 (figure 1). Les bilans excédentaires (+10 à +27 kg.ha-1) s’observent fréquemment dans les grandes exploitations, betteravières -fortement utilisatrices de produits organiques- ou céréalières, alors que les éleveurs ou polyculteurs-éleveurs ont des bilans équilibrés ou légèrement déficitaires. Les analyses de terre réalisées régulièrement par la majorité des agriculteurs (70%) ont beaucoup plus souvent pour but de contrôler l’absence de carence que de servir de base à un pilotage fin de la fertilisation. Les agriculteurs n’utilisant pas d’analyses de terres ont presque toujours un bilan négatif (6/7). La grande majorité des exploitations utilisent des produits organiques qui couvrent en moyenne 47 % des entrées de phosphore. Leur origine est variée : écumes de sucrerie, composts importés dans le territoire, fumiers de bovins issus d’échanges paille-fumier. La part du phosphore entrant en provenance du territoire est en moyenne de l’ordre de 20%. Certains agriculteurs ont supprimé la fertilisation minérale tout en maintenant les apports organiques mais leurs bilans sont en général négatifs.

Bilans et flux de phosphore à l’échelle d’un territoire

Marraccini E
2017-01-01

Abstract

Dans un contexte de dépendance européenne des ressources de phosphore minéral au niveau mondial, il semble opportun d’étudier les dynamiques territoriales locales du phosphore organique, assimilées à des « gisements locaux ». En effet, des gisements autres que minéraux existent mais ils sont soumis à des logiques de flux entre acteurs agricoles ou d’autres secteurs d’activité qui coexistent à différentes échelles : importations régionales d’amendements organiques, recyclages de sous-produits intra-région et échanges locaux entre agriculteurs et éleveurs. Des études sur les flux de phosphore existent à l’échelle de l’exploitation ou de territoires administratifs ; elles sont en général appliquées sur une seule de ces deux échelles et de ce fait peuvent difficilement mettre en évidence les logiques des flux régionaux ou locaux entre acteurs des territoires. La présente étude s’applique à deux entités de fonctionnement agricole, que sont l’exploitation et le bassin d’approvisionnement. En particulier, le bassin d’approvisionnement semble être un concept pertinent pour étudier les logiques de ces flux puisqu’il mobilise au sein d’une filière des acteurs issus de la production, de la collecte et de la transformation agricoles. Nous cherchons à comprendre et quantifier les flux de phosphore à l’échelle d’un territoire en mobilisant ces deux échelles afin de tester leur pertinence pour proposer des voies d’amélioration de la durabilité de la gestion territoriale du phosphore. Cette étude à caractère exploratoire vise à vérifier sa faisabilité et identifier les obstacles méthodologiques. Elle a été réalisée dans un territoire du nord du département de l’Aisne, incluant les cœurs des bassins de collecte d’une coopérative et d’une sucrerie et correspondant à deux petites régions naturelles différenciées par leurs systèmes de production : grandes cultures à dominante betteravière d’une part, polyculture et polyculture-élevage d’autre part. Dans les sols de ces deux petites régions, la classe de fertilité élevée en P (selon Regifert) est prédominante mais avec une dynamique de diminution des teneurs en P extractible dans les dix dernières années. Dans un premier temps, les différents flux internes et externes au territoire ont été identifiés par enquête et quantifiés, soit via des bases de données gérées par la coopérative et la sucrerie soit par estimation quand les données n’étaient pas accessibles ou disponibles. La quantification de ces flux a permis d’approcher un bilan du phosphore à l’échelle du territoire. Des bilans globaux annuels du phosphore à l’échelle de l’exploitation ont été calculés après enquête sur un échantillon de 26 exploitations représentatives de la diversité des types présents sur le territoire et adhérentes de la coopérative. Sur ce même échantillon, les déterminants des choix de gestion du phosphore par les agriculteurs ont été identifiés. La quantification des flux et les bilans ont porté sur la campagne 2014-2015. La majorité (15/26) des bilans à l’exploitation sont déficitaires, de – 53 kg/ha à -10 kg.ha-1 (figure 1). Les bilans excédentaires (+10 à +27 kg.ha-1) s’observent fréquemment dans les grandes exploitations, betteravières -fortement utilisatrices de produits organiques- ou céréalières, alors que les éleveurs ou polyculteurs-éleveurs ont des bilans équilibrés ou légèrement déficitaires. Les analyses de terre réalisées régulièrement par la majorité des agriculteurs (70%) ont beaucoup plus souvent pour but de contrôler l’absence de carence que de servir de base à un pilotage fin de la fertilisation. Les agriculteurs n’utilisant pas d’analyses de terres ont presque toujours un bilan négatif (6/7). La grande majorité des exploitations utilisent des produits organiques qui couvrent en moyenne 47 % des entrées de phosphore. Leur origine est variée : écumes de sucrerie, composts importés dans le territoire, fumiers de bovins issus d’échanges paille-fumier. La part du phosphore entrant en provenance du territoire est en moyenne de l’ordre de 20%. Certains agriculteurs ont supprimé la fertilisation minérale tout en maintenant les apports organiques mais leurs bilans sont en général négatifs.
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