L’étude des collocations montre que la relation de synonymie entre connaître est savoir n'est pas si nette qu'on l'a dit. Si l’on définit comme synonymes deux termes qui sont interchangeables dans les mêmes contextes phrastiques, la paire connaître/savoir pose plutôt le problème inverse, à savoir la distribution complémentaire – dite aussi relation de supplétion. Car s’il y a des paires ou des groupes de mots qui peuvent être sélectionnés indifféremment par un verbe ou par un autre (i.e. les noms indiquant « matière d’étude »), l’interchangeabilité n’est guère possible dès que la distinction devient de type syntaxique : 1.Max connaît (la leçon + l’anglais + les mathématiques + le système Windows) 2.Max sait (la leçon + l’anglais + les mathématiques + le système Windows) 3.Je (connais + ??sais) les faits = Je (??connais + sais) ce que sont les faits 4.Je (connais + * sais) Jean = Je (??connais + sais) qui est Jean En effet, les données que nous avons présentées ici réduisent partiellement la distance entre les deux. Il existe une « zone grise » des formes verbales de connaître, où les jugements d’acceptabilité ne sont pas nettement tranchés, et ces emplois – marginaux dans le langage neutre ou courant – trouvent place dans la production textuelle en langue de spécialité (discours juridique, scientifique, etc.). Il en résulte que connaître est employé comme un synonyme de registre plus élevé, en rétablissant une série de contextes où le remplacement avec savoir est encore possible. 5. Auguste vieillard, interroge le sage, pourquoi t’avances-tu vers moi ? - Pour connaître si mon désir de recommencer ma vie est légitime. 6. Il souhaite connaître comment le Gouvernement entend maintenir cet échelon de proximité 7. Vous devez reprendre contact avec votre CIRAT pour connaître où en est votre dossier 8. Seule une décision motivée peut lui faire connaître pourquoi ils ont été accueillis ou rejetés 9. On ne connaît pas pourquoi certains patients développent une TIH Pour ce qui est de connaître et de reconnaître, le seul contexte phrastique qui permette l’interchangeabilité en français contemporain est la structure N0 V N1 (comme + pour) N2 autorité. En revanche, les deux verbes présentent bien d’autres similarités structurales qui ne s’accompagnent pas d’une signification identique, si bien que la cooccurrence des deux verbes dans la même phrase ne produit pas un effet de redondance. Un de ces cas est la rection des interrogatives indirectes, totales ou partielles : cet emploi n’est ni mentionné dans les dictionnaires, ni attesté dans le corpus journalistique, pour les deux verbes. Les locuteurs ont quelques hésitations sur l’acceptabilité des subordonnées avec connaître, tandis qu’ils sont plus sûrs de l’acceptabilité avec reconnaître ; néanmoins, c’est connaître qui dépasse reconnaître pour le nombre d’attestations dans le corpus de type juridique- scientifique. Ces données mettent en cause le rapport entre la langue que nous parlons et la représentation que nous en avons, mais aussi le rapport entre le système linguistique et ses différents sous-systèmes. Le danger de se borner à une étude de corpus « fermé » dans un seul registre est mis en évidence. La description de sous-systèmes s’avère nécessaire pour distinguer les différents emplois des verbes.

Synonymie en syntaxe. Étude de la complémentation verbale à travers des réseaux d’emplois synonymiques (connaître, reconnaître, savoir)

VECCHIATO, Sara
2008-01-01

Abstract

L’étude des collocations montre que la relation de synonymie entre connaître est savoir n'est pas si nette qu'on l'a dit. Si l’on définit comme synonymes deux termes qui sont interchangeables dans les mêmes contextes phrastiques, la paire connaître/savoir pose plutôt le problème inverse, à savoir la distribution complémentaire – dite aussi relation de supplétion. Car s’il y a des paires ou des groupes de mots qui peuvent être sélectionnés indifféremment par un verbe ou par un autre (i.e. les noms indiquant « matière d’étude »), l’interchangeabilité n’est guère possible dès que la distinction devient de type syntaxique : 1.Max connaît (la leçon + l’anglais + les mathématiques + le système Windows) 2.Max sait (la leçon + l’anglais + les mathématiques + le système Windows) 3.Je (connais + ??sais) les faits = Je (??connais + sais) ce que sont les faits 4.Je (connais + * sais) Jean = Je (??connais + sais) qui est Jean En effet, les données que nous avons présentées ici réduisent partiellement la distance entre les deux. Il existe une « zone grise » des formes verbales de connaître, où les jugements d’acceptabilité ne sont pas nettement tranchés, et ces emplois – marginaux dans le langage neutre ou courant – trouvent place dans la production textuelle en langue de spécialité (discours juridique, scientifique, etc.). Il en résulte que connaître est employé comme un synonyme de registre plus élevé, en rétablissant une série de contextes où le remplacement avec savoir est encore possible. 5. Auguste vieillard, interroge le sage, pourquoi t’avances-tu vers moi ? - Pour connaître si mon désir de recommencer ma vie est légitime. 6. Il souhaite connaître comment le Gouvernement entend maintenir cet échelon de proximité 7. Vous devez reprendre contact avec votre CIRAT pour connaître où en est votre dossier 8. Seule une décision motivée peut lui faire connaître pourquoi ils ont été accueillis ou rejetés 9. On ne connaît pas pourquoi certains patients développent une TIH Pour ce qui est de connaître et de reconnaître, le seul contexte phrastique qui permette l’interchangeabilité en français contemporain est la structure N0 V N1 (comme + pour) N2 autorité. En revanche, les deux verbes présentent bien d’autres similarités structurales qui ne s’accompagnent pas d’une signification identique, si bien que la cooccurrence des deux verbes dans la même phrase ne produit pas un effet de redondance. Un de ces cas est la rection des interrogatives indirectes, totales ou partielles : cet emploi n’est ni mentionné dans les dictionnaires, ni attesté dans le corpus journalistique, pour les deux verbes. Les locuteurs ont quelques hésitations sur l’acceptabilité des subordonnées avec connaître, tandis qu’ils sont plus sûrs de l’acceptabilité avec reconnaître ; néanmoins, c’est connaître qui dépasse reconnaître pour le nombre d’attestations dans le corpus de type juridique- scientifique. Ces données mettent en cause le rapport entre la langue que nous parlons et la représentation que nous en avons, mais aussi le rapport entre le système linguistique et ses différents sous-systèmes. Le danger de se borner à une étude de corpus « fermé » dans un seul registre est mis en évidence. La description de sous-systèmes s’avère nécessaire pour distinguer les différents emplois des verbes.
2008
9788834316481
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